À moins de trois mois des Championnats du monde d’athlétisme, prévus du 13 au 21 septembre 2025 au Stade national de Tokyo, l’Algérie s’apprête à envoyer une délégation réduite à seulement cinq athlètes : Djamel Sedjati, Slimane Moula, Ali Mohamed Gouaned, Haitem Chenitef, et Yasser Triki. Ce contingent modeste, concentré presque exclusivement sur le demi-fond et le triple saut, contraste avec les grandes heures de l’athlétisme algérien, porté jadis par des légendes comme Noureddine Morceli, Hassiba Boulmerka, ou Taoufik Makhloufi. Cette participation limitée soulève une question brûlante : l’athlétisme algérien, autrefois fer de lance de la fierté nationale, est-il condamné à un déclin inéluctable ?
Les athlètes qualifiés pour Tokyo 2025 incarnent ce qui reste du haut niveau algérien dans un paysage sportif en crise. Djamel Sedjati, médaillé de bronze aux JO de Paris 2024 (1:41.56 à Monaco, troisième chrono mondial de l’histoire sur 800 m), est une figure de proue incontestée. À 25 ans, le natif de Tiaret a prouvé son statut de favori pour une médaille d’or mondiale, notamment après sa victoire au meeting de la Ligue de Diamant à Bruxelles. Slimane Moula, champion d’Afrique 2022 et finaliste des Mondiaux 2023 (1:43.93), est une autre carte maîtresse sur 800 m, malgré une performance en demi-teinte à Paris 2024. Ali Mohamed Gouaned, 22 ans, et Haitem Chenitef, récent vainqueur du meeting de Toulouse 2025 (1:44.38), représentent la nouvelle génération du demi-fond, bien que Gouaned ait manqué la finale olympique et que Chenitef soit encore en phase de progression. Enfin, Yasser Triki, cinquième aux JO de Tokyo 2020 et aux Mondiaux 2023 (17,01 m), porte les espoirs algériens au triple saut, fort de ses 17,32 m réalisés récemment.
Les cinq qualifiés ont choisi de s’entraîner à l’étranger, loin des infrastructures limitées et du manque de soutien institutionnel en Algérie. Sedjati, par exemple, s’est préparé dans des centres européens de haut niveau, tandis que Triki a privilégié une approche discrète mais internationale pour optimiser ses performances. Cette stratégie individuelle a porté ses fruits : Sedjati est devenu l’un des meilleurs coureurs mondiaux, et Triki a réalisé les minima pour Tokyo 2025 grâce à une préparation méthodique. Cependant, ce choix de s’exiler met en lumière les failles structurelles de la Fédération algérienne d’athlétisme (FAA). Le manque d’équipements modernes, de coaches qualifiés, de compétitions locales régulières, et de programmes de détection des talents en milieu scolaire freine l’émergence d’une nouvelle génération. Les cas de Gouaned et Chenitef, jeunes prodiges écartés des Mondiaux en salle 2025 à Nanjing pour des raisons réglementaires, illustrent également les contraintes imposées par les règles internationales, limitant les chances algériennes.
L’Algérie, avec seulement cinq athlètes à Tokyo, est loin derrière des pays comme le Kenya (49 athlètes), l’Éthiopie (42), ou l’Afrique du Sud (36) aux Mondiaux 2023. Ces nations, pourtant confrontées à des défis économiques similaires, ont su maintenir des systèmes de formation robustes et une présence dans diverses disciplines. L’Algérie, en revanche, pâtit d’une politique sportive qui privilégie le football au détriment des autres sports, comme le souligne un article critique de La Gazette du Fennec. La comparaison avec le passé est cruelle : les médailles d’or de Morceli (1991, 1993, 1995) et de Boulmerka (1991) ont fait de l’Algérie une référence mondiale, mais aujourd’hui, le pays lutte pour rester compétitif.