Face aux tensions géopolitiques croissantes en Europe, le Premier ministre polonais Donald Tusk a annoncé un projet ambitieux visant à instaurer une formation militaire à grande échelle pour tous les hommes adultes. Ce programme, présenté comme une réponse à l’instabilité régionale et à la nécessité d’une défense nationale renforcée, marque un tournant dans la stratégie militaire du pays.
Lors d’un discours prononcé devant le Sejm, la chambre basse du parlement polonais, Donald Tusk a souligné l’urgence de restructurer et d’étendre les capacités militaires du pays. « Aujourd’hui, nous parlons de la nécessité d’une armée d’un demi-million de soldats en Pologne », a-t-il déclaré. Actuellement, les forces armées polonaises comptent environ 200 000 soldats, avec un objectif de 220 000 pour la fin de l’année. Cependant, face à la guerre en Ukraine et aux incertitudes concernant l’engagement futur de l’OTAN, Varsovie envisage d’accélérer sa montée en puissance militaire.
Contrairement au service militaire obligatoire, que Tusk n’entend pas rétablir, le plan repose sur un modèle de réserve militaire inspiré du système suisse. Chaque homme adulte sera appelé à suivre une formation militaire ou un service civil alternatif, tandis que les femmes pourront se porter volontaires.
« Nous devons construire une force de réserve crédible pour la Pologne », a insisté Tusk, en mettant en avant la nécessité d’une participation citoyenne accrue à la défense nationale. Cette approche vise à assurer que chaque citoyen soit prêt à répondre à toute menace potentielle, tout en préservant un équilibre entre obligations militaires et libertés individuelles.
La Pologne, pays frontalier de l’Ukraine et membre clé de l’OTAN, observe avec inquiétude l’évolution du conflit entre Kiev et Moscou. Le désengagement militaire et en matière de renseignement des États-Unis sous l’administration Trump a renforcé les craintes d’un affaiblissement de la position stratégique des pays de l’Est européen.
Jaroslaw Kaczyński, chef du parti d’opposition Droit et Justice (PiS), a apporté son soutien à cette initiative, tout en soulignant la nécessité d’un « changement de mentalité ». « Nous devons retrouver l’éthique chevaleresque et reconnaître que les hommes doivent être prêts à se battre pour leur patrie », a-t-il affirmé, appelant à un renforcement de la culture patriotique et militaire en Pologne.
Le président polonais Andrzej Duda a proposé un amendement constitutionnel pour consacrer au moins 4 % du PIB national à la défense, faisant de la Pologne l’un des pays de l’OTAN les plus engagés en matière de dépenses militaires. Cette mesure vise à assurer l’indépendance sécuritaire de la Pologne dans un contexte où les alliances traditionnelles semblent vaciller.
Alors que l’Europe renforce ses capacités de défense face à la menace russe, la Pologne s’impose comme un acteur clé dans la stratégie de dissuasion à l’Est. Toutefois, la mise en œuvre de cette réforme militaire et son acceptation par la population restent des enjeux majeurs.
L’opinion publique polonaise est partagée sur cette question. Si une partie de la population perçoit cette initiative comme une mesure nécessaire à la préservation de la souveraineté nationale, d’autres craignent une militarisation excessive de la société. Les débats qui s’annoncent au Sejm et les réactions internationales seront déterminants pour l’avenir de ce projet.
Avec ce plan ambitieux, la Pologne envoie un signal fort : elle entend prendre en main sa propre sécurité et se préparer à toute éventualité. Les mois à venir seront cruciaux pour déterminer l’ampleur et la viabilité de cette réforme militaire inédite en Europe de l’Est.